Aujourd'hui, je vous emmène dans le quartier des Chartrons, le long des quais de la Garonne, dans "l'Entrepôt" qui abrite le capcMusée d'art contemporain, mon musée préféré à Bordeaux.
Voir ICI mon article sur l'expo actuelle.
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Je vais donc la jouer un peu culturel maintenant que je me sais lue par quelques mamans d'élèves qui, je leur en serai gré, sauront rester discrètes. Vous êtes ici sur un petit blog sans prétention, si ce n'est pour moi un lieu d'échanges spontanés, divers et variés. Je préviens donc mes éventuels nouveaux lecteurs qui le remarqueront très vite, je suis une fringues addict mais pas que. Ici on parle de tout et de rien, de sapes, de mode, de vieilles pierres et de coups de coeur... sans se prendre la tête et si on aime, on peut laisser un petit mot, sinon on peut très bien passer son chemin ! Tout le monde est libre ici !
C'est depuis la terrasse où sont également exposées des oeuvres de taille que je vous accueille pour que nous nous rendions ensemble à l'intérieur du bâtiment.
Certes le CAPC est le musée d’Art contemporain de Bordeaux. Mais ce n’est pas pour autant qu’il renie l’histoire, et surtout pas celle de ses murs. Il est en effet abrité dans un ancien entrepôt des denrées coloniales, construit par les douanes et la chambre de commerce au début du XIXe siècle. On vérifiait ici les marchandises qui transitaient par la ville. L’architecte de cette bâtisse s’est inspiré des marchés couverts orientaux et de l’architecture romane, mêlant trois matériaux : la brique d’argile, la pierre de Bourg-sur-Gironde et le pin d’Oregon. Le résultat est étonnant : un espace au toit haut, traversé de rayons de lumière. Des escaliers monumentaux et dépouillés mènent à la mezzanine qui surplombe la nef. Histoire de remonter le temps, observez les nombreux graffitis conservés sur les murs. A gauche de l’entrée, un « banquo » s’étale en lettres capitales, tandis qu’un « Ali Baba » trouve place sur un des piliers de la grande nef. Dans la pénombre, recherchez-en d’autres sur les colonnes et ne manquez pas le dessin de Nini la prostituée. Détrompez-vous, il ne s’agit pas d’œuvres contemporaines. Mais plutôt des échos d’un passé actif où de multiples « rouleurs », ou ouvriers, écrivaient leurs histoires et gravaient leurs surnoms dans la pierre. Comme pour signer leurs œuvres.
J'ai donc occupé une partie de cet après-midi pluvieux à déambuler dans la grande nef, à emprunter les majestueux escaliers pour me rendre sur la mezzanine ainsi qu' au second étage, dans les galeries, scrutant les piliers, les arcs et les poutres à la recherche d'indices sur l'histoire de ce lieu que j'aime. Un palpitant jeu de piste sur les traces de mystérieux personnages dont Emile Pujos, dit Ali Baba.
Portrait de "Nini"
Emile Pujos, dit Ali baba, a donc laissé des traces de son passage. Cet homme dont nous ne savons rien a en effet couvert avec beaucoup d'application des mètres de solives à la craie blanche entre 1916 et 1918. Son autographe, répété dans une calligraphie toujours soignée, un peu naïve, est presque obsédant.
La restauration de l'édifice, transformé en musée d'Art contemporain entre 1979 et 1990 par les architectes Denis Valode et Jean Piste, a respecté la mémoire des lieux et aucun des graffitis n'a été effacé. Était-il veilleur de nuit ou manutentionnaire ? Trop jeune ou trop vieux pour la grande tuerie ? Ces inscriptions sont-elles l'expression de sa solitude, de son envie de laisser une trace ?
S'il est une certitude, c'est bien l'origine gasconne de son patronyme. Pujos dérive du latin podium et désigne une éminence. Notre graffeur haut perché portait bien son nom !
Voilà, ma visite s'achève ici et je referme doucement la lourde porte de l'Entrepôt sur les secrets d'Ali Baba conservés dans les murs tels les murmures légers de la craie...